Zesword a écrit :
Sinon Darkent la critique la plus virulente qu'on fait au capitalisme, les gens comme tatanka et moi (des mecs qui contrairement à ce que tu penses ont dépassé le stade infantile et ne dédaignent pas travailler), ce n'est pas le gros marché. C'est la dérive : le côté *capitalisme* et pas *libéralisme*, c'est-à-dire le fait qu'une majorité de choses sont dans les mains d'une minorité de personnes. C'est cela que l'on dénonce. Alors peut-on avoir un "marché libre et ouvert" sans l'émergence de monopoles ou quasi-monopoles (i.e. entente entre les 3 puissants), je ne sais pas. Mais ce n'est pas tant le marché que l'on dénonce (quoi que, pour certains cas spécifiques comme le lait, je pense vraiment qu'il vaut mieux planifier que laisser les gens produire n'importe comment avec les conséquences que l'on sait), mais l'accaparement.
Sans vouloir être trop réducteur, les détracteurs du capitalisme ont tendance à détester toutes ses formes tel que le libéralisme, la société de consommation, les intermédiaires mercantiles, le profits sur la plus-value, etc... jusqu'au travail en lui-même, à en croire beaucoup le travail est un poison pour l'homme. Là dessus j'ai un peu du mal.
Concernant l’accaparement des richesses par une extrême minorité de possesseurs, c'est dramatique et je vois pas qui pourrait se réjouir d'une telle situation à part des gens très très cyniques.
L'actionnariat et la rente du capital sont évidemment deux failles du système capitaliste pointé du doigt par tous les économistes, Piketty le premier.
Ces modes de rémunérations des puissants empêchent toute forme de répartition égale des richesses.
Piketty nous aide à comprendre ce système par le simple fait que la possession est une pré-notion acquise par tous le monde en grande majorité et qu'il semble ridicule pour n'importe qui que l'héritage soit aboli. L'héritage contribue considérablement au creusement des inégalités, mais l'héritage est sacrée pour tous le monde. "Touche pas à mon héritage".
Concernant les dividendes c'est pareil, pourquoi un actionnaire aurait envie de ne pas se faire payer ses dividendes ? Cet argent lui reviens de droit non ? C'est contractuel de toutes les manières, on ne peut pas lui refuser.
En d'autres termes, c'est la manière dont fonctionne notre société qui autorise légitiment à l'inégale répartition des richesses. A partir du moment ou 95 % des interrogés refuserait que leur patrimoine devienne un bien publique plutôt qu'un héritage pour leur gosse, on ne peut pas remettre en cause l'héritage.
A partir du moment où le modèle de financement des entreprises fonctionne avec l'actionnariat, comment peut-on remettre en question les dividendes monstrueuses perçus par ces rentiers ? (1,15 Quadrillons de dollars en 2015).
Zesword a écrit :
Par ailleurs je suis bien conscient des avancées majeures qu'on a eu. Je ne critique pas l'ensemble du système, car je me rends bien compte que je préfère vivre aujourd'hui qu'il y a 500 ans. Simplement, il apparaît nettement que, s'il est nettement préférable en moyenne de vivre aujourd'hui qu'il y a 500 ans, il est moins clair qu'il est préférable de vivre aujourd'hui qu'il y a 50 ans : et ça, c'est problématique. Donc non, il n'y a pas "que des trucs trop moches, bouh le vilain libéralisme". Mais oui, il y a des dérives qui sont à mon avis trop grosses et sur lesquelles il faut se pencher.
Concernant la situation des 30 glorieuses que tu détailles, c'est une période d'exception historique.
Les périodes d'après-guerre sont toujours étranges économiquement parce qu'il y'a une énorme destruction de capital et beaucoup de morts donc il y'a beaucoup à reconstruire et donc la production de bien explose.
Cela produit un effet étrange, une augmentation fulgurante du PIB et de la croissance. A titre de comparaison la croissance des pays d'asie du sud-est a fortement augmenté après le Tsunami. C'est pas du gros n'importe quoi ces chiffres ?
La courbe de la croissance et du revenu du capital s'inverse à ce moment là, pour donner l'illusion que tout est cool.
Dans ces périodes là il y'a de l'emploi, une accumulation de stock sans précédent (Marx décrit la croissance comme une sorte d'accumulation de stocks de biens matériels).
Mais ce n'est qu'une situation provisoire, une exception temporaire, car il faut environ trente ans pour que la situation économique se stabilise et redevienne à son état zéro, celui qu'on appelle aujourd’hui communément
l'état de crise ^^
La création de bien se tasse, donc comme la production de valeur baisse, la croissance baisse (ainsi que le PIB). En gros en 30 ans les possesseurs de capitaux, de moyens de productions, les rentiers et les actionnaires ont retrouvé leur zone de confort.
Piketty a clairement démontré ça avec sa fameuse courbe comparative du revenu du capital et de la croissance. En 2012 les deux courbes se sont rejointes pour converger dans les sens opposés. La tendance à l'horizon 2050 c'est que la croissance soit au plus bas et le revenu du capital au plus haut, ce qui signifierais en gros un retour simple et direct à la même situation que le temps des rois.
Je suis personnellement contre cette situation débile d'inégale répartition des richesses, mais je suis convaincu qu'il y'a des cotés positifs dans l'organisation du travail tel qu'elle prend forme grace aux entreprises. C'est l'actionnariat qui fout la merde, c'est le fait qu'on ait aucune maitrise de tout ça.